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le maquis de bir-hakeim

par Patricia Vernhet-Granat

Il y a soixante-dix ans, une page tragique de l’histoire de la Résistance s’est écrite à La Parade. Mes grands-parents, mon père, mes oncles, ont vécu cette histoire depuis Saint Pierre des Tripiers et La Viale. Voici les souvenirs de Raymond Vernhet, mon oncle, un enfant de 10 ans à l’époque.


Nous sommes le 28 mai 1944. Le maquis Bir Hakeim est installé à La Parade, ferme de la Borie, depuis la veille seulement. Suite à des dénonciations, les troupes allemandes montent sur le Causse Méjean par toutes les voies d’accès en ce matin de dimanche de la Pentecôte.
Le soleil se lève à peine quand Raymond « délargue » les bœufs et les conduit vers leur pâture. Il entend de grands bruits venus de loin. Son père, Louis, au courant de la présence du maquis, pensait que les “biraquins” devaient faire des exercices. « Cresis pas ! » disait son voisin M. Carrière « Questo fa trop de rabal ».


Dans la matinée, la famille se rend à la messe de Pentecôte, sauf Louis qui garde ses deux derniers fils, Louis, 4 ans, et André, 18 mois.
A Saint Pierre, le curé Fages a du retard. Lorsqu’il arrive sur sa moto, il avertit que les Allemands bloquent toutes les routes. En effet, un détachement venu de Millau monte par la côte du Truel pour rejoindre La Parade.

 

Trois ou quatre jeunes réfractaires au STO, qui se trouvent aux tribunes, s’enfuient par le clocher de l’église. La messe est célébrée, mais en messe basse malgré la grande solennité de la Pentecôte. A l’intérieur, quelques minutes tout juste après l’arrivée du curé, on entend le fracas du passage de la troupe allemande.


A la sortie de la messe, les Allemands passent encore. L’un d’entre eux saisit au cou de Camille, 12 ans, une petite médaille ramenée de Lourdes, la prenant pour une croix de Lorraine.


Les Allemands sont chargés d’armes lourdes, ils cherchent un attelage pour en transporter. Ils se sont déjà arrêtés à la Viale et ont trouvé Louis, mais en charge de ses deux plus jeunes fils, ils ne l’ont pas obligé à atteler ses boeufs. C’est Camille Pouget, de Saint Pierre, qui sera réqui- sitionné, malgré les invectives (heureusement formulées en occitan) de son épouse. Il faut dire que leur fils Paul n’avait pu échapper au STO.

 

Camille Pouget transportera l’armement jusqu’à la croix de la Parade, les Allemands l’obligeant ensuite à faire demi-tour. Dans leur rapport aux autorités les Allemands écriront « qu’ils ont ressenti de l’hostilité à Saint-Pierre des Tripiers ».


A cette heure, la tragédie avait eu lieu. Le maquis avait été décimé, 34 morts et 27 prisonniers qui seront torturés puis exécutés dans le ravin de la Tourette. Une dizaine de maquisards avaient réussi à s’enfuir. Deux d’entre eux ont pu traverser les lignes grâce à la clémence de soldats arméniens placés au nord du village par les Allemands. Il s’agit de Pierre Damiani, dit Popeye, originaire de Paris, et de René Fages, dit Fafa, de Meyrueis. Ils feront une première halte aux Bastides où on leur donnera de l’eau mais où on ne pourra pas les garder car le village est trop près de la route. Ils vont continuer jusqu’à La Viale.


C’est Pierre, 16 ans, qui va les apercevoir le premier alors qu’il fait du « jias » (la litière) dans la bergerie. Il les conduit jusqu’à sa maison où sa mère Maria et une voisine Berthe Pouget vont leur prodiguer les premiers soins et leur donner de nouveaux habits. Leurs vêtements ont alors été cachés dans une cave toujours tenue secrète !


Ces deux combattants ensanglantés ont marqué l’esprit des deux petits présents dans la maison. Maria racontait qu’André leur avait sans cesse tourné le dos !


Un voisin, Casimir Lapeyre, arrive alors, qui connaissait René Fages. Casimir va les conduire vers une cachette dans le travers en face du Meynial. De là, ils seront pris en charge par le réseau des résistants de Meyrueis. Le pasteur Franck Robert les cachera quelques jours à Jontanels.


De cette journée mémorable il reste tous ces souvenirs d’actions et d’émotions, mais aussi pour les enfants le souvenir que « ce soir-là, on est allés au lit sans souper ! ».

Patricia Vernhet-Granat


 

questionnaire administratif de 1862

rempli par M. Bondon, instituteur à Saint-Pierre

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